Richard cœur de lion…

En terminant pour la deuxième année consécutive la Diagonale des Fous dans un format et des conditions très difficiles, Richard a montré le courage d’un grand champion. Récit

Par quoi commencer tant il y a de choses à raconter ?
Déjà par vous remercier pour tous les messages et attentions lors des entraînements avant cette course. Merci également pour ceux reçus pendant et après ce Grand Raid, ça fait chaud au cœur.
Ma course a été compliquée, du début jusqu’à la fin. 
Nous nous retrouvons avec Greg dans le SAS 2 environ 30 minutes avant le départ prévu jeudi à 22h00. Cette année, l’organisation est revenue sur le principe d’un seul départ commun pour tous. L’an dernier, il existait encore le départ par vagues toutes les 10 minutes pour étirer et espacer les concurrents (souvenirs du covid…)
Environ 2900 coureurs, un speaker qui met une ambiance de fou et te met les poils tout droit par des mots simples mais touchants. Des spectateurs venus très nombreux comme chaque année, c’est la fête sur toute l’Ile avec ce Grand Raid.
Le départ est donné, nous restons ensemble avec Greg durant ces premiers kilomètres plats en bord de mer. Il fait chaud et lourd. Le peloton s’étire petit à petit.
C’est parti pour 175 km et environ 10000 mètres de montée, 2 nuits et 2 jours logiquement.
Après une heure de course, Greg part devant, les premières petites montées arrivent et je sens rapidement que je n’ai pas de très bonnes sensations. Ce n’est pas grave, la course est longue mais un gros doute s’installe.
1er ravito après 1h40 environ, je recharge en eau et je repars assez rapidement. Environ 800ème, c’est les temps de passage que j’avais prévus. Greg est resté un peu plus longtemps au ravito et il me rattrape peu de temps après. Nous restons quelques minutes ensemble et je l’encourage à faire sa propre course car je sais que la mienne va être compliquée et pas vraiment celle imaginée. Je ne le reverrai que deux jours plus tard LOL !!!
Je vous mets ci dessous les échanges SMS avec Sophie, il n’y a pas mieux pour retranscrire les sensations du moment :
23h53 : bon ce n’est pas de grandes jambes mais on va avancer petit à petit.
00h20 : Il pleut, je n’ai rien dans les jambes…
00h40 : Ne t’inquiète pas, ça sera en 3 nuits. Je n’avance pas dans les montées.
00h50 : J’ai envie de dormir. Je suis trop fatigué. Ca va être extrèmement compliqué.
Il pleuviote, je glisse beaucoup, je perds beaucoup de places, je n’avance pas vite, je ne comprends pas vraiment ce qui m’arrive car je n’ai jamais été ainsi auparavant. Mais au fond de moi, je sais parfaitement ce qui m’arrive. Je n’ai pas assez dormi les jours précédents la course et notamment le jour J. Que faire ? Deux options : soit je continue à galérer en espérant que la forme revienne petit à petit notamment avec le lever du jour OU dormir dès maintenant pour mieux repartir ensuite. Option 2 choisie, dès le 35ème km, j’ai les boules mais à ma grande surprise, il y a beaucoup de concurrents qui dorment déjà.
SMS 5:00: Je repars dans 5 minutes après avoir dormi un peu (1h). Vivement le lever du soleil. je n’ai jamais été comme ça…
Je dois avoir perdu un bon milliers de places en dormant si tôt dans la course mais j’espère avoir fait le bon choix. Dans ma tête, une nouvelle course commence, celle où je vais remonter le plus de concurrents possible comme l’an dernier.
SMS 8h40 : Arrivée à Mare à boue (50ème). Ca va mieux, je remonte…
Je vais ainsi remonter petit à petit en me concentrant sur ma course. Le temps perdu ne se rattrape jamais mais la course est longue et le plus difficile est à venir.
J’arrive à Cilaos (75ème km) et première base de vie. Ca va mieux, je prends mon temps pour bien me changer et surtout bien manger car les premières grosses difficultés arrivent : col du Taibit (1000m de D+) puis le terrible Maido vers le 110ème (2100m de D+ en 13km !!!).
Les jambes sont revenues et je grimpe bien. L’an dernier, le Taibit m’avait séché, cette année, je prends ma revanche. J’avance bien et je gagne des places.
Arrive le ravito de Marla, 89ème km. Je mange un peu et un bénévole me dit : « il y a un message pour toi… ».
Il faut savoir qu’à Marla, il y a un stand où l’on peut visionner des vidéos envoyées par nos proches. 4 vidéos pour moi dont celui de la famille restée à Orléans. C’est extrêmement touchant, ma gorge se serre, les larmes montent. Inoubliable! Ca rebooste.
Je repars, les sensations sont de mieux en mieux. Je sens et j’espère que ma seconde partie de course sera aussi réussie que celle de l’an dernier.
La nuit est tombée, le sol est glissant. Je veux remonter au classement, Je cours de plus en plus où les autres marchent. Je repense à ces vidéos, les larmes reviennent, pour eux, pour moi, je dois faire mieux que cette fichue première journée. 
Belle frayeur, je glisse et me casse la figure. Ça surprend mais pas de mal. Ca aurait dû m’alerter et j’aurais dû me reconcentrer davantage. Deux minutes plus tard, je pose le pied gauche en courant sur une grosse pierre, il glisse et se tord sur le sol. J’entends un gros CRAC, je peste, tout s’écroule… J’ai très mal et il reste environ 90 km pour finir. J’ai la haine !!! Quel CON !!!
Je ne me pose pas trop de question, je vais continuer jusqu’au prochain ravito (vu où l’on est, pas d’autre choix de toute façon !) et je verrai bien là bas. Facile à dire mais à faire… J’ai mal sous le pied, il part facilement sur l’extérieur au moindre dévers. Les racines, les aspérités, les pierres sous la chaussure me font très mal. 23h00 de course à ce moment. Il en reste autant en temps normal. Combien si je marche ???
Au ravito, une infirmière me fait un léger strap. Le bleu est sur l’extérieur du pied, pas à la cheville. C’est l’avant du pied qui s’est tordu.
Je continue, comme l’an dernier, « l’abandon n’est pas une option ! »
Je marche jusqu’au km 105 où je projette de redormir avant le monstrueux Maido. Il est 3h00 du mat’.
2h de dodo, je repars pour finir le chantier.
La pente est très raide dans ce Maîdo, entrecoupée d’un ravito au milieu où je vais m’acheter un bon gros sandwich.
Sortie du Maido où il y a un monde fou et une belle ambiance.
A partir de maintenant, c’est une très longue portion de descente. km 125. J’en ai tellement marre de marcher que je décide de trottiner un peu.
Ce trajet pour rallier la seconde base de vie au km 145 est interminable. J’ai mal, je n’aurai certainement pas dû courir mais bon…
Base de vie, un kiné me fait un gros strap. 
J’aurai droit à la 3ème nuit, blanche comme la pleine lune qui nous a accompagnés durant cette course. Ou comme la bière, c’est vous qui voyez.
Heureusement, je marche bien lorsque le sol est non accidenté mais la fin est très très difficile dans les descentes, notamment le chemin des anglais avec ses pierres dans tous les sens (km 170). Je ne peux pas vraiment m’appuyer sur le pied gauche. C’est interminable. 
Avec un autre concurrent, on se motive pour finir au petit matin et ne pas dormir. Colorado km 170, ça glisse mais on avance. Le jour se lève, reste la dernière descente. Je prends mon temps, je laisse passer les copains et je me rapproche du stade. Pour la forme et la vidéo finale, je cours un peu. Fin du calvaire. je suis finisher et j’ai la fameuse médaille et le Tshirt.
Bilan : 184.8km    10786 m de D+   57h55′ d’épreuve.
La famille, les proches, les amis, vous tous par vos messages m’ont aidé à voir cette fameuse ligne d’arrivée au stade de la Redoute. Rien qu’en pensant régulièrement aux personnes parties trop tôt, je ne pouvais pas abandonner…
Place aux soins. Kiné, ostéo et podologue jusqu’à la fin de la matinée du dimanche. Repas dans le stade où l’ambiance est énorme. C’est magique !!!
Je croise Sylvie (quelle belle course sur la Mascareigne !) et son mari devant le podium où une minute de silence est faite pour des concurrents partis beaucoup trop tôt… Je ne peux retenir mes larmes cette fois. L’émotion est trop forte.
Repas, discussion avec beaucoup de monde, je revois Greg (encore BRAVO pour ta très belle course) je profite à fond de ces bons moments après toutes ces heures de souffrance.
La fin d’après-midi arrive et je me rends compte que j’ai oublié mes sacs de course près de la tente des kinés. Ils n’ont pas été oubliés par tout le monde car je ne retrouve plus rien. Tout m’a été volé (montre, veste, chaussures, vêtements, frontales… et CNI)
Bref, la galère jusqu’au bout…
Depuis jeudi et mon retour en métropole, je connais le verdict : double fracture du 5ème métatarse. 5 semaines à porter une botte pour consolider le pied. Place au repos maintenant.  
Cette course est magique et l’Ile magnifique. Il faut retenir le positif : j’ai discuté avec beaucoup de concurrents et bénévoles, j’ai vu Mafate de jour, j’ai vu la course sous un autre angle.
Bon dimanche à tous et à bientôt (en vélo pour moi…)
Richard

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2 réponses à Richard cœur de lion…

  1. Elsa dit :

    Un grand BRAVO Richard, ta détermination est exceptionnelle ! Cette course n’a probablement pas été celle que tu espérais, mais ta force et ta motivation ont fait d’elle la plus méritante ! Peu l’aurait terminé dans les conditions dans lesquelles tu étais, alors félicitations ! Cette fierté tu l’as mérité ! L’heure est au repos à présent, bon rétablissement après toutes ces émotions/sensations !

  2. cochet dit :

    J’ai lu ton récit avec beaucoup de plaisir et notamment ta partie SMS qui livre en matière brute tes émotions du moment en faisant abstraction des souvenirs qui viennent en peu plus ou en peu moins modifiés le réel.
    Une bien belle course que tu peux être fier d’avoir bien mené compte tenu des conditions rencontrées. Un grand bravo. Repose toi bien et reviens en parfaite condition !

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